Temple – Lesdiguieres

De l’église…

Au moment de la Réforme, les protestants de Mens, comme souvent lorsqu’ils sont majoritaires dans une communauté, conservent l’église pour célébrer leur nouvelle religion.

Ils changent leurs pratiques cultuelles : ils suppriment l’autel, les images et les objets liturgiques, les reliques et les autels dédiés aux saints et à la Vierge. Le culte se réorganise autour de la prédication et de la lecture de la Bible en langue vernaculaire. Le mobilier est simplifié, souvent réduit à une chaire centrale et des bancs, pour mettre en avant la parole plutôt que le rituel.

… à un temple…

Dès les premiers édits qui ponctuent les guerres de religion, les protestants sont sommés de rendre les églises aux catholiques… Les Mensois le feront plus de quarante ans après l’édit de Nantes, malgré les injonctions répétées des évêques de Die.

Fin 1630, la communauté de Mens ne peut en effet plus reculer. En septembre, dans une supplique à l’évêque, elle tente bien une dernière fois de résister à cette vuidange, puis de réclamer un dédommagement pour les travaux effectués après le grand incendie de 1628, rien n’y fait. Il faut se résoudre à construire un autre lieu de culte. C’est chose faite en 1631.

La règle veut que les temples soient bâtis sans élévation ni tour ni grand clocher et à distance des églises, souvent en périphérie des villes ou hors les murs.

À Mens, le devis pour la construction du temple donne à imaginer un bâtiment assez vaste, avec huit fenêtres et deux portes, coiffé d’un toit d’ardoises de Chantelouve. En attendant que les ardoises soient prêtes, on le couvre de chaume. Faudra appuyer led(dit). couvert sur les murailles de la ville est-il précisé dans le devis, ce qui permet de penser que ce temple est construit dans la ville, à proximité des murailles qui n’ont pas été intégralement détruites en 1628.

… puis à un autre…

Ce temple est ravagé en 1650 par un nouvel incendie. Un autre est construit en un temps record, en partie grâce à la générosité des églises réformées de Zurich et Genève, sur un emplacement différent, dans ce qui est actuellement la place de la Mairie.

Il est entretenu et modifié à de nombreuses reprises. On lui adjoint même une horloge en janvier 1670. Ne voulant pas être en reste, les catholiques en font poser une sur l’église dès le 1er avril !

… avant démolition par ordre du roi.

La révocation de l’édit de Nantes (1685) ordonne la démolition des temples. Celui de Mens n’échappe pas à la règle. La liste des biens du consistoire de Mens est précisée lors de leur cession à l’hôpital général de Grenoble : Une maison où habitait ci-devant le ministre, le sol du temple (emplacement du temple détruit), le cimetière, le tout dans une même enceinte de muraille, une cloche et une horloge (…).

L’emplacement de l’édifice est d’abord cultivé en potager, puis est laissé en friche. Un poids à farine y est construit en 1748. (ici  lien avec avec panneau 6)

Quant à la maison du pasteur, elle devient  la maison commune et une école des Frères y est installée en 1740. Le terrain du cimetière, comme celui du temple, est utilisé comme jardin ; les habitants finissent par oublier leur emplacement exact. Seul le vieux nom de place du Temple donné autrefois à l’actuelle place de la Mairie atteste de sa présence en ces lieux.

Sources

Pierre Béthoux. Histoire des protestants et du Trièves

LESDIGUIERES

 François de Bonne naît le 1er avril 1543 à St Bonnet en Champsaur. Il est le fils de Jean II de Bonne, seigneur des Diguières de petite noblesse. Il se destine à la carrière militaire. Lors des guerres de religion, il combat auprès des protestants (1562-1598). Il est désigné comme chef des protestants du Champsaur en 1576, et livre de nombreux combats, dont la prise de Gap, ville catholique. Il s’illustre non pas dans de grandes batailles rangées mais par la petite guerre, des combats où la ruse, l’effet de surprise et l’adaptation prédominent. Très mobile, il passe les cols de montagne avec ses troupes même en hiver ou de nuit. Il rayonne sur la région à partir de places ou maisons fortes acquises au parti protestant : comme celles de Serre, Orpierre, Montbrun, Ambel, Mens et quelques autres. Mens dispose à l’époque de fortifications en partie détruites, Lesdiguières les renforce et contrôle le Col de St Sébastien par le château fort de Château Vieux.

 Fidèle au roi Henri IV il affronte les armées étrangères du duc de Savoie qui tente de profiter de la situation pour agrandir son territoire. Il s’empare de Grenoble le 22 décembre 1590. François de Bonne gravit les échelons du pouvoir : gouverneur de Grenoble, conseiller d’État, maréchal de France, duc de Lesdiguières et pair de France puis connétable de France (chef de toutes les armées du royaume ). Il est le dernier à recevoir cette charge dans l’histoire de France.

 Lesdiguières est un bâtisseur. A Grenoble outre des fortifications qui agrandissent la ville, il est à l’initiative de réalisations comme : la création de quais au bord de l’Isère, l’embellissement de la ville avec de nouvelles rues, des égouts collectifs, des façades crépies, une résidence ( l’Hôtel de Lesdiguières), la digue le long du Drac vers Claix avec son célèbre Pont de Claix inauguré en 1611. Il entreprend enfin la construction du château de Vizille où il accueille même le souverain et en fait l’éclatante vitrine de sa réussite.

 Artisan et garant de l’application de l’Édit de Nantes qui met fin aux guerres de Religion, il maintient un équilibre délicat entre catholiques et protestants. Il se révèle un politicien modéré, pragmatique, qui finit par se convertir quatre ans avant sa mort au catholicisme par raison comme Henri IV avant lui.

 Surnommé  » Du Guesclin dauphinois « , qualifié par Henri IV  » de rusé comme un renard « , il meurt le 28 septembre 1626 à l’age de 83 ans.

 Sources :

Stéphane Gall : Lesdiguières
François Vermal : dialogues sur l’histoire de Mens et du Trièves

Exposition du musée dauphinois