Né à la Maternité privée de Mens

Il était suggéré dans le TUM du mois d’avril un futur portrait de la maternité de Mens. Le TUM papier de juin en aura accueilli un extrait. Le voici ici dans son entier. Dans le TUM suivant, sera proposé un portrait consacré au Dr Bonniot, très lié à l’histoire de la maternité.

Pour titre, a été reprise la formulation « Né à la Maternité privée », avec un M majuscule, telle que mentionnée dans les registres d’état civil pour toute naissance déclarée dans ce lieu dédié.

Les informations fournies proviennent de la consultation de documents officiels :

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registres d’état civil : autorisée à partir de 75 ans avant la date de consultation. Donc en ce qui nous concerne à partir de 1948 pour remonter jusqu’en 1944. Une simple consultation du récapitulatif de fin d’année de 1949 à 1962 nous a renseigné.e.s sur le nombre de naissances déclarées jusqu’à la fermeture de la maternité.

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registres des délibérations municipales : 1936 à 1959 et 05/04/1959 à 11/11/1972

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tables décennales 2013 – 2022 pour une vue sur l’évolution des naissances déclarées.

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sites : www.acte-deces.fr et www.archivesdepartementales.puy-de-dome.fr pour des renseignements relatifs à Gabrielle Bourchanin et sa famille.

Mais également de témoignages de : Martine Joubert, Andrée Charles, Mme Chabot, Olivier Bonniot, Lise Bonniot épouse Martin (enfants du Dr Bonniot), Annie Philip épouse Torgue amie proche de la famille Bonniot, et aussi de quelques autres personnes, au hasard d’un échange, dans un magasin, sur le marché, un trottoir.

Le recueil autobiographique de Mme Guite Bonniot, épouse du Docteur : « Jean et Guite – Histoire de notre vie » nous sera précieux pour le portrait du mois prochain.

Notons l’intérêt voire la curiosité que suscite dans le village l’histoire de cette maison de naissance. Nous tenons à remercier chacune chacun pour tous ces partages éclairants. Mais aussi Marine Curtil pour son accueil toujours chaleureux lors de nos nombreuses visites en mairie et Marylise Avenas, pour la fructueuse mobilisation de ses connaissances dans nos recherches d’informations.

Le fruit de nos recherches

Le 18 juin 1945, est mentionné pour la première fois « né à la Maternité privée bd Frédérique Gauthier 1 » pour l’enfant Michel Goujon. La maternité se trouvait alors à l’étage audessus de l’actuelle boulangerie Landreau. La maison appartenait à Mme Baup, grand-mère de Annie Torgue. Avant cette date, on a pu noter plusieurs naissances bd Frédérique Gauthier, mais sans la mention « Maternité privée ».

Le 10 janvier 1946, est mentionné pour la première fois « née à la Maternité privée, bd Edouart Arnaud » pour l’enfant Noëlle Gay. Lors de la séance du Conseil municipal du 16 juin 1945, il est en effet décidé qu’ « afin de perpétuer le souvenir de Mr Edouart Arnaud, déporté politique, maire de Mens, mort tragiquement au camp de Neuengamme le 25 février 1945, son nom sera donné à une rue de la ville…le bd Frédérique Gauthier devient le bd Edouart Arnaud ».

Le 8 novembre 1948, est mentionné pour la première fois « née à la Maternité privée, rue du Dr Sénebier », au n° 179 actuel, pour l’enfant Marie-Hélène Gachet. Certain·e·s se souviennent de « la Maison des Abreuvoirs ».

Le 2 octobre 1961, est mentionné pour la dernière fois « né à la Maternité privée, rue Dr Sénebier » pour l’enfant Philippe Sabre. Le 7 janvier 1962, la naissance d’Hervé Brailly est mentionnée rue du Dr Sénebier. Celui-ci contacté par téléphone, confirme que « ce n’était pas à la maternité, déjà fermée ».

Cette année là, seuls deux enfants sur 16 déclaré·e·s naîtront à Mens. Sinon, surtout à La Mure, ou Grenoble et Varces. Durant les 16 années d’existence de la maternité, la presque quasi totalité des naissances a eu lieu dans les murs de celle-ci (entre 850 et 900 au total), avec une moyenne de 56 par an et un pic à 73 en 19572 .
Il est à noter que la maternité accueillait des femmes de la commune de Mens et des environs.

Gabrielle Bourchanin, sage-femme, est à l’initiative de l’ouverture de la Maternité privée de Mens. Il est parfois mentionné son nom en tant que déclarante de la naissance d’un enfant, comme le 7 août 1945 pour l’enfant Monique Borne. Née à Rioms (63) le 31 décembre 1909 (père, Georges Bourchanin, sergent au 105e d’infanterie à Riom et mère, Marie Brot, couturière), elle décède à Romans (38) le 7 juillet 1981. Sœur de Ferdinand, l’adjudant Bourchanin, son aîné, déclaré « Mort pour la France » le 25 janvier 1945. Une plaque commémorative lui est dédiée sur un mur de la gendarmerie.

Gabrielle Bourchanin se faisait assister dans les tâches quotidiennes auprès des femmes et des enfants. Une collaboration étroite avec le Dr Bonniot s’est rapidement tissée, chacun·e trouvant chez l’autre le complément bénéfique au confort et à la sécurité des patientes et la survie des enfants. La maternité offrait un accueil chaleureux avec des conditions d’hygiène adéquates et assurait un vrai temps de repos post-accouchement (souvent une semaine) très apprécié, et particulièrement par les agricultrices, dit on.

Une activité importante et reconnue mais pas suffisante pour « arriver à « tourner » avec les frais, la location, le salaire de l’aide obligatoire, la nourriture des mamans, etc…» .
En séance du 26 mai 1954, une subvention de 50 000frs est accordée par le conseil municipal (maire Louis Brun) à la maternité.
En séance du 22 décembre 1955, « Mr le maire donne connaissance d’une lettre de Mr Marc Poncet confirmant qu’il avait pris en main la gestion de la maternité de Melle Bourchanin et demandait à ce que la commune de Mens poursuive son effort pour soutenir la dite maternité.
Après discussion, le Conseil dit vouloir bien voter au budget primitif 1956 la même subvention pour la maternité qu’en 1955 soit 50 000 frcs sous des réserves suivantes :
1. que…une grande partie des municipalités intéressées poursuivent l’effort commencé.
2. le Conseil considérant que Mr Poncet n’est titulaire d’aucun mandat électif et n’a pas été mandaté par les mairies intéressées pour gérer les fonds mis à la disposition de la maternité, demande à ce qu’un délégué des communes lui soit adjoint pour contrôler la gestion de Melle Bourchanin. »
A moins d’une erreur dans le difficile décryptage parfois des écritures manuscrites, plus rien n’apparaît par la suite.
Le Dr Bonniot, élu depuis 1946, aurait régulièrement étayé l’intérêt d’un vote favorable.

1945 – 1961, seize années d’une existence qui aura marqué celle de nombreuses femmes dans ce temps de vie merveilleux et bousculant à la fois qu’est la mise au monde d’un enfant ! Mais pas seulement, puisque les locaux de la maternité occasionnellement inoccupés par son activité propre pouvaient être investis par Mijo Bourchanin, nièce de Gabrielle Bourchanin, entourées de quelques amies, pour de joyeuses petites soirées, se souvient Annie Torgue. Ces soirées se déroulaient dans la salle à manger, au rez-de-chaussée de la maison. Les chambres étaient à l’étage.
La vie dans ses multiples contours !

Soazig Breysse