ARTISANAT -Clous et mines – Le chanvre

Artisanat

A la fin du XVII ͤ siècle, la population de Mens compte environ 1 000 habitants, les artisans en constituent environ le quart.

– Les plus nombreux travaillent le minerai de fer extrait de la montagne du Thau au nord-ouest du bourg (lieu-dit « Les Mines ») : ce sont les cloutiers qui produisent les clous forgés à tête losangée (on peut encore en observer sur les portes en noyer des habitations), les maréchaux et les serruriers.

– Les corroyeurs, les bottiers, les cordonniers travaillent le cuir, soit avec les peaux de mouton et des agneaux de la vallée, soit avec celles des bovins des montagnes environnantes.

– Le textile représente la troisième activité essentielle de l’artisanat (drapiers, chapeliers, cordiers). Parmi les autres artisans, on compte ceux du bâtiment, les menuisiers, les potiers, les muletiers.

La maison d’artisan, située au centre du bourg, est caractérisée par son étroitesse et sa faible hauteur : un rez de chaussée et un étage occupés par l’habitation avec comble au-dessus. Le rez de chaussée, avec échoppe sur la rue, sert aussi d’atelier, lorsque celui-ci n’est pas situé à la cave, pendant l’hiver, voire toute l’année pour les tisserands, en raison de son degré d’hygrométrie, nécessaire au tissage.

L’activité de l’ensemble des artisans présente un caractère familial très marqué avec l’existence de véritables dynasties : parents, enfants, oncles, cousins travaillant dans la même spécialité. Certains, toutefois, ne se contentent pas de l’aide familiale et engagent des ouvriers. D’où des contestations, parfois, entre certaines catégories d’artisanat qui s’accusent de débaucher leur apprenti.

« Parmi les cloutiers, maréchaux, cordonniers, on discerne parfois des signes d’aisance, voire de fortune dans le cas du cordonnier Alexandre Alloard capable de prêter 100 livres au Consistoire (assemblée de religieux) pour régler quelques dettes criardes. Mais les artisans du textile semblent avoir une existence plus difficile ». (Citation de Pierre BOLLE – Les pays protestants à la veille de la révolution – Tome 1)

clous et mines

 Dés le Moyen-Age, une mine de fer est exploitée à Montvallon au lieu dit « les mines » à quelques kilomètres de Mens, « permission accordée par le roi François 1er le 6 octobre 1534 »Au XVII ͤ siècle, divers lieux d’exploitation sont cités : Les Plantas, Merdoussane, Thaud, Serre de Milmaze ou Serre du Chaud. Certaines de ces mines appartiennent au  monastère des Chartreux de Durbon de l’autre côté du col de la Croix-Haute. Au plus fort de l’activité, début du XVIII ͤ , les registres paroissiaux de Mens citent les noms de 25 mineurs.

            Ce minerai de fer est transporté à dos de mule à Chichilianne, St Michel-les-Portes ou dans la forêt de Durbon, chaque mule portant environ 100kg. Ces forêts fournissent en effet le combustible pour fondre ce minerai dans des hauts fourneaux. La proximité de cours d’eau permet d’utiliser la force hydraulique pour actionner un martinet afin de purifier le minerai en fusion.

 Ce lingot de métal revient à Mens pour être travaillé. On recense au XVII ͤ  siècle une cinquantaine de cloutiers. Ce sont des clous forgés qui pouvaient être à tête plate, carrée ou losangée comme on peut le voir sur d’anciennes portes. En 1729, ils sont expédiés jusqu’en Provence, Languedoc et comtat d’Avignon.

Cette activité peu rentable compte tenu des conditions d’extraction des minerais et des coûts importants de transport reste un complément de revenus pour des agriculteurs. Elle disparaît au milieu du XIX° siècle.

La toile de chanvre

Le chanvre a longtemps été une culture vivrière : tant que les campagnes ont vécu en relative autarcie, sa fibre était indispensable à la confection de vêtements (avec la laine), de cordages, de toiles d’emballage (comme le bourras de Mens pour transporter les récoltes) et, en bord de mer, de voiles.

Pour Mens, on en trouve trace dans les archives delphinales : en 1300, la dauphine Béatrix avait donné l’autorisation d’établir un battoir et un gauchoir sur la rivière d’Avanne et obligé les habitants de Mens (…) d’y apporter leurs chanvres et leurs toiles [1]. Ce moulin de Chardeyre fonctionne encore actuellement, pour les céréales, à 2 km au sud de Mens.

Si la fibre est délicate, longue et polluante à produire, elle se file facilement à la quenouille ou au rouet et se tisse sur un métier très simple qu’on installe à la morte-saison dans la cave ou l’étable pour bénéficier d’un bon degré d’hygrométrie.

A Mens, jusqu’au début du xviiie siècle, quelques artisans tissent le drap de laine, la serge sur fil (laine et chanvre) et deux ou trois habitants font une toile de chanvre de qualité grossière. A partir des années 1730, sans qu’on sache très bien pourquoi, le tissage de la laine disparaît et celui du chanvre augmente considérablement : en 1789 on compte jusqu’à 320 métiers ! Les toiles sont désormais appréciées pour leur solidité et sont exportées en Haut-Dauphiné, à Genève, et surtout en Provence. On fait venir le chanvre peigné de Vizille et de Grenoble et encore quelques temps du Trièves où les chenevières disparaissent progressivement : en 1800, il n’y en a plus aucune.

Puis la production périclite, la concurrence fait rage. En 1801, il n’y a plus que 192 métiers, en 1848, 80. En 1870, la préfecture ne signale plus de toile à Mens ; Le claquement de rares métiers, souvent installés dans les caves, animait pourtant encore à cette époque les rues du bourg : aujourd’hui (en 1922) les greniers en recèlent les débris et nombreuses sont, dans tout le Trièves, les familles qui conservent le rouet, maintenant inutile [2]

[1] Thérèse Sclafert, le Haut Dauphiné au Moyen Age, éd. Hachette Bnf, p.424.

[2] Charles Robequain. Le Trièves. Etude géograpique. In Revue de géographie alpine tomme 10 ,n°1, 1922, pp 5-126. Mis en ligne par Persée https://www.persee.fr/doc/rga_0035-1121_1922_num_10_1_1722

Sauf celles concernant la période antérieure à 1700, toutes les informations contenues dans ce texte sont issues de cet article de Charles Robequain.