Motion dans le cadre de l’enquête publique sur les travaux de la RD 1075 entre le Col du Fau et le col de La Croix Haute

Par arrêté en date du 2 décembre 2021, le Préfet de l’Isère a ouvert une enquête publique suite au projet d’aménagement de sécurité de la RD 1075, projet relevant du Département. L’enquête publique doit durer du 3 janvier au 4 février 2022. Elle se déroule sur les communes de Roissard, St Martin de Clelles, Clelles, St Michel les Portes, Lalley, le Percy, le Monestier du Percy et St Maurice en Trièves.

Les élu.e.s de la commune de Mens souhaitent intervenir à 2 titres :

  • –  D’une part pour déposer dans les registres des commissaires enquêteurs les observations portées par la commune ;
  • –  D’autre part pour demander au Préfet de prendre un arrêté d’ouverture d’enquête publique qui corresponde réellement aux potentiels impacts qu’engendreraient les travaux de sécurisation projetés.

Mens, commune de 1400 habitants, est labellisée Petite Ville de Demain et joue un rôle de centralité dans le sud Trièves, dans un esprit de mutualisation et de transition écologique. Mens est confrontée à une importante problématique des mobilités. Son centre-bourg aux rues étroites est saturé en automobiles et accueille des poids lourds, certains étant orientés par Mens par GPS depuis la sortie de l’A 51 au Col du Fau en direction de Gap, et des engins agricoles. Pour faire face à cette situation et redonner une ambiance apaisée au bourg, en faveur des mobilités douces, Mens travaille à la fois sur des aménagements de ses espaces publics et, en lien avec la Communauté de Communes du Trièves, au développement des alternatives à l’usage individuel de la voiture : faciliter les mobilités actives, le covoiturage, l’autopartage, l’utilisation des bus et des trains. Bien qu’éloignée d’une quinzaine de kilomètres de la gare de Clelles-Mens, notre commune accueille donc à Clelles, hors de son territoire, une gare de la voie ferrée Grenoble-Veynes et est associée à l’étude qui porte sur la valorisation de cette ligne. De nombreux habitants de Mens sont usagers de la RD 1075, des lignes de bus vers Grenoble ou de la voie ferrée Grenoble Veynes. La RD 1075 et la voie ferrée sont essentielles au territoire Trièves. C’est pourquoi les élu.e.s de la commune de Mens se sentent concerné.e.s par l’enquête publique sur les travaux de la RD 1075 entre le Col du Fau et le col de La Croix Haute.

1- Communes recevant l’information et accueillant des permanences de l’enquête publique : pourquoi se limiter aux seules communes traversées par la RD 1075 ?
Pour toutes les raisons présentées ci-dessus, les élu.e.s de Mens considèrent qu’il n’est pas normal que seules les communes foncièrement concernées par la RD 1075 reçoivent l’information et accueillent des permanences de l’enquête publique.

La RD 1075 concerne tout le Trièves ; le territoire devrait être associé directement à l’enquête publique.

Une demande a été faite dans ce sens aux commissaires enquêteurs. Alors qu’aujourd’hui la participation des citoyens est valorisée, y compris au plus haut niveau de l’Etat, est-il normal que les habitants des autres communes du Trièves que celles traversées par la RD 1075 doivent se débrouiller par leurs propres moyens pour donner leur avis sur des aménagements qui les concernent, en se déplaçant et/ou via internet, ce qui n’encourage pas la participation du plus grand nombre ?

2- Objectif des travaux et nature de la route : le nécessaire équilibre entre trafic de transit et usage local n’est pas respecté.

Le Département justifie les travaux d’abord par l’amélioration de la sécurité. Or l’hypothèse d’absence de variation de trafic, mise en avant, ne repose sur aucune étude sérieuse. Bien au contraire, partout où une route au trafic de transit important est aménagée avec davantage de fluidité, ce qui serait le cas avec les travaux envisagés, son trafic augmente sensiblement, en créant un appel d’air par un effet d’attractivité. Créer une dizaine de voies de dépassement, alors qu’actuellement il n’y en a aucune, va donc probablement augmenter le trafic, au détriment … de la sécurité !

Surtout quand on constate, documents de l’enquête publique à l’appui, que la plupart de ces voies de dépassement sont en zones virageuses, déjà accidentogènes sans ces aménagements. Y rouler à 90 km/h ne va certainement pas améliorer la sécurité, dans des secteurs glissants une bonne partie de l’année (pluie, verglas, neige).

Le Trièves aurait avantage à trouver le juste équilibre entre les intérêts légitimes des usagers de transit de la RD 1075, dont les poids lourds, et ceux tout aussi légitimes des usagers locaux, dont ceux de Mens, que ce soit en trajets pendulaires vers l’agglomération grenobloise ou en trajets internes au Trièves.

La partie des travaux réellement consacrée à la sécurité (notamment l’aménagement des carrefours, la création de passages souterrains, les voies d’accélération ou de décélération), est selon nous justifiée car elle répond à ce souci d’équilibre. De même pour les voies de dépassement en ligne droite ou dans des courbes peu prononcées, qui permettent d’éviter de suivre trop longtemps des véhicules lents ou de prendre des risques inconsidérés en doublant. Il serait par ailleurs judicieux, dans les montées, de remplacer les voies de dépassement par des voies pour véhicules lents, en maintenant alors la vitesse à 80 km/h, toujours avec l’objectif de ce juste équilibre entre trafic de transit et trafic local.

Par contre, les voies de dépassement virageuses visent un autre objectif, la fluidité du trafic de transit, au détriment de la sécurité et des usagers locaux.

Par ses excès, le projet du Département transforme la route en un axe nord sud de transit performant, au détriment des usagers locaux. C’est un projet du passé, qui ne tient pas compte des futurs changements profonds liés aux contraintes climatiques et à l’évolution des mobilités. Nous avons besoin d’une RD 1075 mixte, apaisée, tournée vers le développement durable et pas d’un grand axe davantage fréquenté.

A l’heure où l’EP SCOT de la région grenobloise sollicite les communautés de communes, dont celle du Trièves, pour qu’elles s’expriment sur le Zéro Artificialisation Nette, à la recherche de solutions pour consommer moins de foncier notamment pour le bâti, il faut noter que les voies de dépassement constituent de loin la plus grosse consommation foncière des aménagements prévus sur la RD 1075.

Diminuer le nombre de voies de dépassement prévu, c’est s’inscrire dans l’esprit de la loi Climat et Résilience. Le Département doit montrer l’exemple.

3- La place des alternatives à l’usage individuel de la voiture : un pan très négligé.

La commune de Mens se réjouit des aménagements qui facilitent l’accès à sa gare. Le passage souterrain pour cyclistes permettra aux Mensois sportifs qui vont à Grenoble en combinant vélo et train de ne plus devoir traverser la RD 1075 pour aller à la gare. Mais son emplacement suppose sans doute d’autres aménagements qui ne sont pas précisés. Le rond point au carrefour de Chichilianne permettra aux automobilistes venant de Mens pour se rendre à la gare de ne plus traverser eux non plus la RD 1075, ce qui est dangereux les jours de trafic dense.

En revanche, la mission régionale d’autorité environnementale écrit dans son avis sur l’aménagement de la RD 1075 qu’elle « recommande de compléter l’étude d’impact par une description précise des aménagements relatifs aux arrêts de bus et par une analyse du covoiturage et des aménagements induits. » Pour la commune de Mens, ces indications seraient pourtant essentielles, car elles permettraient de diminuer sensiblement l’autosolisme, le nombre total de véhicules empruntant la RD 1075, la pollution atmosphérique et sonore. Le Département doit montrer dans les faits qu’il est attaché au développement des alternatives à l’usage individuel de la voiture. Ce d’autant plus que l’agglomération grenobloise, où se situe son siège, est très sensible à la densité du trafic routier. Chaque véhicule en moins dans l’agglomération est vital en matière de santé et accessoirement en matière de temps perdu dans les bouchons.

La commune de Mens est sensible au rôle intermodal de la gare de Clelles-Mens, qui pourrait devenir une véritable plateforme en accueillant trains, bus, covoiturage, autopartage, vélos … L’aménagement de la RD 1075 serait plus crédible s’il confortait véritablement cette dynamique intermodale, visant à diminuer l’usage individuel de la voiture.

Dans cet état d’esprit, la création de bande cyclables là où des travaux sont prévus, conformément à la loi, n’est pas suffisante. A part des cyclistes expérimentés et de préférence solitaires, qui s’aventure en vélo le long d’une route avec plusieurs milliers de véhicules/jour à 80 km/h, dont beaucoup de camions ? Cependant, à plusieurs endroits, pour se rendre d’un village à un autre, on est obligé d’emprunter la RD 1075 : au niveau de La Commanderie entre Le Monestier du Percy et St Maurice en Trièves, entre Longefonds et Clelles, entre Clelles et St Martin de Clelles par exemple. Il serait judicieux de profiter des travaux pour créer des voies pour cyclistes séparées du reste de la voie soit par un muret, soit par de la végétation. Au regard du coût des voies de dépassement virageuses, cet investissement serait certainement bien moins cher et serait un signe fort de prise en compte d’autres modes de déplacement que les véhicules à moteur …

4- Impacts sur la qualité de la vie minimisés

Le sud Trièves dispose d’un atout considérable : une qualité de la vie exceptionnelle, faite de paysages préservés et très ouverts, de villages authentiques, d’une dynamique culturelle et économique étonnante.

Cette attractivité risque d’être perturbée par des excès d’ambiance sonore, liés à une augmentation du trafic sur la RD 1075 pour les raisons évoquées. Les mesures acoustiques de l’étude n’ont pas été réalisées en juillet-août, en période de pointe, c’est une lacune qui rend les conclusions fragiles. Parallèlement, une étude acoustique en période de pointe devrait analyser finement l’impact de véhicules plus nombreux et roulant à la vitesse autorisée de 90 km/h sur un certain nombre de voies de dépassement. En effet, l’axe de cette départementale suit les falaises calcaires du Vercors, qui amplifient considérablement les impacts sonores. A titre indicatif, sur les collines mensoises, quand le vent est favorable, il n’est pas rare d’entendre le passage du train, à une quinzaine de kilomètres … La mission régionale d’autorité environnementale « recommande de compléter l’étude acoustique et les mesures de qualité de l’air par des simulations au pic de la saison touristique, lorsque le trafic est deux fois supérieur à celui d’octobre. »

Mens étant une des principales communes d’accueil du tourisme doux attiré par la qualité de la vie, l’impact des nuisances sonores ne serait pas négligeable, ces touristes choisissant la plupart leurs destinations sur des critères de forte exigence ..

5- Travaux déjà réalisés en anticipation non exemplaires

On constate que plusieurs de ces travaux sont perfectibles, voire inefficaces. Auraient-ils été réalisés dans la précipitation, après des études insuffisantes ? Un de ces aménagements concerne particulièrement Mens. Quand on quitte la RD 1075 pour rejoindre Mens par la RD 66 en descendant du Col de la Croix Haute, alors que des travaux colossaux ont été réalisés sur ce carrefour, aucune voie de décélération n’a été mise en place, ce qui rend le tourner à droite toujours aussi dangereux pour les voitures quand on est suivi au moment de la manœuvre. Pour les poids lourds prenant la même direction, l’exercice est encore plus périlleux.

En résumé, le Département doit réduire le montant de son projet mais l’améliorer qualitativement pour ne pas tourner le dos au futur.

Les élus de Mens pensent que réduire sensiblement la somme de 57 millions d’euros prévue pour les travaux, estimation sans doute inférieure à la réalité, serait un acte de résilience courageux de la part du Département face aux urgences climatiques. On pourrait alors réaffecter une partie de l’argent prévu pour des aménagements plus vertueux : les voies de dépassement dangereuses au profit de voies séparées pour cyclistes là où ils doivent emprunter la RD 1075 pour se rendre d’un village à l’autre ; les aménagements, la signalétique et la promotion des alternatives à l’usage individuel de la voiture : arrêts de bus, aires de covoiturage, plateforme multimodale à la gare de Clelles Mens etc …

En conclusion, le conseil municipal de Mens demande :

  • –  Au préfet de l’Isère de prolonger, par arrêté, les dates d’ouverture de l’enquête publique préalable à la DUP conjointement à l’enquête parcellaire relative à l’opération dans le cadre du projet d’aménagement de sécurité de la RD1075 pour ouvrir, sur la commune de Mens une enquête publique de 30 jours au moins avec une permanence ponctuelle d’un commissaire enquêteur ; la commune de Mens étant totalement concernée, à plusieurs titres, par les travaux projetés sur la RD1075 ;
  • –  Au président du conseil départemental de prendre en compte les recommandations précitées, qui vont dans le sens de la loi Climat et Résilience.

La présente motion sera notifiée :

  • –  Au Préfet de lIsère,
  • –  Au Président du Département,
  • –  Au président de la communauté de communes du Trièves ;
  • –  Aux communes membres de la communauté de communes du Trièves.